Pourquoi vous ne devez pas tomber dans la dépendance économique ?
Alors que le Code de commerce prohibe depuis plus de trente ans l’abus de dépendance économique, le texte trouve un faible écho devant les tribunaux. Il n’est toutefois pas dénué d’intérêt dans le cadre de négociations.
L’abus de dépendance
Selon l’article L 420-2, al. 2 du Code de commerce, est prohibé "l’exploitation abusive par une entreprise de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur… ».
Ce texte pourrait constituer un outil utile pour nombre d’entreprises, mais très rares sont les décisions qui font droit aux victimes de tels comportements, comme l’illustrent plusieurs affaires récentes. La faute à une interprétation particulièrement rigoureuse de certains de ses critères d’application.
En effet, la dépendance est caractérisée à l’aune de cinq critères cumulatifs : importance de la part du chiffre d’affaires réalisé par le fournisseur avec le client, importance du client dans la commercialisation du produit concerné, notoriété de la marque du fournisseur, facteurs ayant conduit celui-ci à concentrer ses ventes auprès du client.
Enfin, il n’y a dépendance que lorsque la victime se trouve dans l’impossibilité de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées, ce qui est interprété de façon très rigoureuse par les juges.
Conditions complexes à démontrer
Pour prétendre subir une exploitation abusive de son état de dépendance économique, un fournisseur doit le démontrer en caractérisant cinq critères cumulatifs : la notoriété de son partenaire, l'importance de sa part de marché, la part de son chiffre d'affaires réalisé avec le partenaire dans son CA total (de l'ordre de 20-25 %, selon les autorités européennes), l'absence de solution équivalente.
Enfin, les facteurs qui ont conduit à la situation de dépendance doivent lui être étrangers et ne doivent pas résulter de ses propres choix stratégiques. Il doit ensuite prouver que le partenaire a eu un comportement "anormal" et que ce dernier affecte sensiblement le fonctionnement ou la structure de la concurrence sur le marché.
Éviter une exclusivité
Et l'appréciation de l'EDE dans ces hypothèses est beaucoup plus souple : il suffit que la part du chiffre d'affaires du partenaire représente au moins 20 % du chiffre d'affaires total du fournisseur et que celui-ci ne se soit pas placé volontairement dans cette situation ou n'ait rien fait pour en sortir.
C'est précisément sur ce dernier critère que les entreprises peuvent (et doivent) jouer pour concilier le maintien d'une relation soutenue avec un fournisseur et la gestion du risque lié à son éventuel EDE.
L'entreprise doit notamment éviter de consentir une exclusivité d'approvisionnement, rappeler dans le contrat que le partenaire doit diversifier sa clientèle, consulter chaque année les comptes de son fournisseur pour surveiller la part qu'elle représente dans son chiffre d'affaires total et écrire régulièrement à ce dernier soit pour l'alerter sur son EDE, soit lui rappeler l'intérêt d'une diversification de sa clientèle.
Ces précautions écarteront avec efficacité les risques de voir l'EDE d'un fournisseur retenu contre l'entreprise, quand bien même il réaliserait une part importante de son chiffre d'affaires avec cette dernière.
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